Route de Ferney 143

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Route de Ferney 143

Route de Ferney 143, 1202 Genève

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rue: Route de Ferney
secteur : 662300041-La Tour - Chapeau-du-Curé
type : Habitation
construction : Avant 1919
étages[1] : 2, pour 17.11 mètres.
Carte

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Propriété de campagne dont les origines remontent à la première moitié du XIXe siècle et dont subsiste la dépendance, cadastrée en 1866 au nom de Pierre Béraud, un homme de lettres installé à Paris (bât. 111, cf. 145 route de Ferney, fiche RAC-GSX-1089). L’ancienne maison de maître, quant à elle, est démolie en 1903, pour être remplacée par un bâtiment plus vaste, édifié par Adrien Peyrot pour le colonel vaudois Horace Jaccard et sa femme, Alice Carrel (bât. 107), accompagné par une conciergerie (bât. 110, cf. fiche RAC-GSX-1089). Des bâtiments sont ajoutés dès 1939, alors que l’ensemble a été réaffecté en garderie d’enfants (bât. 112, puis 105 et 106).

Depuis la route de Ferney jusqu’au fond de la parcelle, se succède par ordre d’apparition : en premier lieu, le portail d’entrée, dont le pilier de droite porte le nom gravé dans la pierre de la propriété, « La Cotière » ; juste après, du même côté, le pavillon de style rustique du gardien (bât. 110) ; en face, à gauche, mais en partie cachée par un rideau d’arbres et d’arbustes, la débridée c’est-à-dire, les remises, l’écurie, la sellerie, le logement et le fenil (bât. 111) ; derrière ce commun, et parallèlement à lui, après une cour intérieure, un bâtiment comprenant deux garages automobiles et une salle de squash (bât. 112) ; après, en suivant une courte allée, la villa (bât. 107), la cour qui la précède et, à l’arrière, les annexes plus récentes de la garderie d’enfants (bât. 105 et 106) ; au pied de la villa, au sud, le vaste parc paysager agrémenté d’arbres centenaires. Enfin en fond de parcelle, côté sud-est, donc loin de la vue privilégiée en direction du parc et des Alpes, sont regroupés les installations ordinaires à la vie d’un grand domaine : basse-cour, boîtons, remises et jardin potager.

La villa s’élève quasiment au centre du domaine. Elle est divisée en cinq niveaux : d’abord celui mi-enterré qui abrite la chaufferie, la cuisine au nord-est, les caves et les réserves ; le rez-de-chaussée surélevé qui en tournant de gauche à droite comprend l’ancienne office à l’aplomb de la cuisine, la salle à manger, le salon, la véranda, et passé le départ dans le hall du grand escalier qui dessert le premier étage, la bibliothèque à l’angle nord-ouest, là où la lumière est la moins préjudiciable à la conservation des livres ; le premier étage qui accueille, outre un salon central donnant sur le jardin, plusieurs chambres à coucher et une terrasse à l’aplomb de la véranda ; le second en surcroît, où se carre encore un salon central (qui lui est toujours garni de son manteau de cheminée, alors que les autres pièces à l’aplomb l’on perdue), d’autres chambres à coucher, avec W.C. et salle de bain ; enfin un niveau de comble servant à l’étendage du linge, avec une chambre à lessive, construite isolément sous la charpente, pour le repassage, avec une arrivée d’eau et et une cheminée pour faire chauffer les fers. Dès l’origine, la villa jouit d’un chauffage central dont la chaudière se trouve au niveau des caves mi-enterrées. Quand les radiateurs sont apparents, c’est à dire dans des pièces les plus modestes, leurs colonnes sont ornées de motifs Art Nouveau, sinon, dans les pièces de réception, ils sont masqués par des grilles au motif de fleurs de lys.

Malgré leurs ressemblances, les quatre façades de la villa sont composées de façons différente. Au nord-ouest, sur cour, celle qui accueille les visiteurs reçoit un avant-corps central important. Au rez-de-chaussée, celui-ci est percé d’un porche de plain-pied aménagé dans l’œuvre, mais quand même protégé par un auvent. Sur son seuil, la grande porte au centre ouvre sur les degrés conduisant au hall central de la villa, tandis qu’à gauche la porte latérale, plus petite, mène quant à elle au niveau des caves et de la cuisine par un escalier étroit. Au niveau de la toiture, cet avant-corps se termine par un pignon saillant faussement construit en pans de bois. Sa ferme débordante surplombe un balconnet. Plus modeste, la façade nord-ouest n’est animée qu’un par un oriel central de deux niveaux qui se termine en toiture par une couverture en croupe. Comme précédemment, le colombage qui orne ses côtés est purement décoratif. Au sud-ouest, la belle façade donnant sur le parc est de loin la plus démonstrative. Son avant-corps central, plus saillant que son homologue sur cour, est précédé d’un escalier monumental à rampes convergentes. En forme de fer à cheval, ces degrés mènent à un perron couvert par un large auvent. Une belle ferronnerie de style 1900 sert de main-courante à cette montée. De ce perron, une porte-fenêtre ouvre sur le salon à côté duquel la véranda sert de prolongement. De celle-ci un petit escalier du même style conduit au jardin. Au premier étage, la véranda se termine en terrasse. Au niveau de la toiture, le pignon est quant à lui couvert par un toit en demi-croupe. Comme ailleurs, il est décoré par un faux colombage sur lequel semble se greffer un balcon de bois. L’avant-corps de la façade sud-ouest est le moins saillant et le moins démonstratif de la villa. Néanmoins, entre le rez-de-chaussée surélevé et l’étage, il est percé d’une large fenêtre tripartite dont les verres colorés éclairent à l’intérieur le repos du grand escalier. Couvert d’un toit en demi-croupe, le mur pignon est là aussi agrémenté d’un simulacre de pan-de-bois.

Cette belle villa arbore le style anglo-normand, particulièrement à la mode au tournant du siècle sur les côtes de la Manche (Deauville et Le Touquet par exemple) et ailleurs en France. Faux pans-de-bois sous le toit, aisseliers, jambettes, faux-entrait et poinçon de la ferme débordante sur la façade d’entrée, tous ces ornements sont typiques de cette veine stylistique alors très prisée. De là, très certainement, le nom de la propriété : « La Cotière ». C’est un tout autre style décoratif qui prévaut à l’intérieur de la villa. Les dessus de porte, ou encore le manteau de la cheminée du deuxième étage, la seule conservée dans les salons de la villa, empruntent leur langage au décor de la Renaissance française du premier XVIe siècle qui s’épanouit surtout dans le Val de Loire. Un dernier détail ajoute à cette ambiance artistique : il s’agit des caches-radiateurs. Dans les pièces importantes, comme par exemple, le hall d’entrée, la salle à manger, le salon et la véranda, ces grilles en fer reçoivent un seul et même motif décoratif : la fleur de lys.

Bien qu’il ait été réaffecté, ce qui aurait pu lui être très préjudiciable, le domaine de « La Cotière » a étonnamment conservé une très grande partie de sa substance ancienne. Certes, il a fallu adjoindre des bâtiments annexes à la villa et des dépendances supplémentaires dans le parc, mais cela n’a guère entravé la lisibilité des bâtiments originels. La villa, à la superbe composition, conserve encore sa richesse ornementale et la diversité de ses matériaux, mis en oeuvre avec beaucoup de soin. Oeuvre d’un architecte formé à l’école des Beaux-Arts de Paris, au sein de l’atelier Pascal qui a produit maint spécialiste des styles pittoresques, elle constitue cependant une rareté à Genève, où la version helvétique du régionalisme, le Heimatstil, règne alors en maîtresse. Elle prouve en tout cas que l’endoctrinement localiste ne touche pas tous les commanditaires de l’époque, que ceux-ci pouvaient être sensibles à d’autres modèles que les maisons des Alpes ou du plateau suisse en s’inspirant de voyages faits à l’étranger. Adrien Peyrot était quant à lui un dessinateur flexible, capable de s’adapter aux goût spécifique de son client où aux nécessités formelles du programme. Ses nombreux immeubles construits en ville de Genève, ses villas dans la campagne alentour, ses hôpitaux lui ont valu de nombreux éloges à l’époque (voir notamment sa nécrologie, 1918) et permettent de le ranger aujourd’hui parmi les meilleurs acteurs de la construction dans la Genève de la Belle Epoque.[2].
  1. Données fournies en opendata par le site SITG
  2. Référencé dans le recensement architectural du canton (commune du Grand-Saconnex), accessible sur site du RAC

Partie d'une maison qui recouvre le reste.